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Sylvain Romerowski est un des principaux artisans de la Bible du Semeur, et il fait partie d’une Église de l’Association baptiste. Le Lien fraternel a cherché à comprendre cet énorme travail.

Le Lien fraternel. Sylvain Romerowski, vous êtes membre de l’Église protestante baptiste de Faremoutiers, professeur à l’Institut biblique de Nogent-sur-Marne et auteur de nombreux ouvrages. Vous êtes aussi l’un des principaux artisans de la Bible du Semeur. Pouvez-vous nous dire quelle a été votre implication dans ce travail ?

Sylvain Romerowski. J’étais responsable de la traduction de l’Ancien Testament et j’ai travaillé avec d’autres sur le Nouveau. Le travail de chaque traducteur a été révisé par une équipe. Pour la Bible d’étude, j’ai rédigé les introductions aux livres de l’Ancien Testament et quelques introductions dans le Nouveau Testament. J’ai supervisé la rédaction des notes dans l’Ancien Testament.

En 1991, pourquoi fallait-il une nouvelle traduction de la Bible ?

À la fin des années quatre-vingts, nous voulions produire une Bible d’étude avec des notes. Les Bibles françaises étaient éditées pratiquement sans notes. Or il fallait disposer du texte d’une traduction comme base de travail, et les droits d’auteur étaient exorbitants. Alfred Kuen nous a donné son texte à lui, que nous avons remanié profondément.

Une nouvelle traduction permet de tenir compte de l’évolution de la langue française et des découvertes les plus récentes concernant la langue et les manuscrits anciens.

Pourquoi fallait-il la réviser en 2000, puis en 2015 ?

En 1991, certains délais qui nous étaient imposés nous ont limités. Nous voulions remédier à des imperfections et associer à notre travail d’autres représentants du milieu évangélique. Nous avons donc fait une première révision en 2000.

En 2015, deviez-vous reconnaître que certaines options prises en 2000 n’étaient pas sérieuses ?

Après la sortie de l’édition 2000, nous n’avons jamais cessé d’utiliser la Bible du Semeur, en notant des améliorations possibles. Nous avons parfois changé d’avis sur des options de traduction. Nous avons tenu compte des remarques qui nous avaient été faites. Nous nous sommes rendu compte que la traduction était parfois trop libre. Nous voulions aussi améliorer les notes de l’édition simple. La révision a été beaucoup plus importante et systématique.

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Si quelqu’un a la version de 1991 ou de 2000, devrait-il la changer ?

Cela vaut le coup !

La Bible du Semeur fait partie des traductions que l’on dit « à équivalence dynamique ». C’est quoi, au juste ?

Une traduction littérale calque autant que possible l’expression française sur les formes de l’hébreu et du grec et s’efforce de rendre toujours le même mot de l’original par le même mot français. À des degrés divers, les traductions littérales comme la Colombe, la Segond 21 ou la Nouvelle Bible Segond essaient d’atténuer les pires effets de ces principes, sans y renoncer. Or les langues ne fonctionnent pas comme des formules mathématiques. Le mot anglais bone se traduit en français par « os » s’il s’agit d’un poulet, par « arête » s’il s’agit d’un poisson. Personne ne dirait « os de poisson ». La traduction biblique doit respecter les règles de la linguistique. Ainsi, une traduction à équivalence dynamique rend un mot par le sens qui convient dans chaque contexte. Ayant déterminé le sens d’une phrase, elle cherche à le rendre comme on l’exprime en bon français.

La Bible du Semeur est parfois critiquée chez les évangéliques, ceux-là même qu’elle visait comme utilisateurs. Y a-t-il des critiques qui vous paraissent injustes ? Lesquelles ?

On a critiqué la Bible du Semeur parce qu’elle n’utilise pas le mot « repentance » ; on est même allé jusqu’à dire qu’elle voulait en supprimer l’idée ! Or le problème, c’est que le mot grec metanoia ne signifie pas repentance à lui tout seul. Ainsi, il est question de metanoia envers Dieu, c’est à dire de conversion (Actes 20.21). Le sens ordinaire du mot est « conversion » ou, pour le verbe, « se convertir ». Dans d’autres textes, ce sont les compléments qui donnent le sens « repentance » : repentance des œuvres mortes, du péché, etc. Nous avons alors adopté la traduction « changer profondément ». Il suffit de lire les Psaumes 32 et 51 pour se rendre compte que l’idée de la repentance est bien présente.

Dans votre travail de traduction, de vérification et de rédaction de notes, qu’est-ce qui vous a donné la plus grande satisfaction ?

Travailler des heures durant sur la Bible est un privilège ! Et être obligé de se poser la question du sens est très enrichissant. Par exemple, qui peut dire spontanément ce que signifie exactement : « Chercher le Seigneur » ?

Qu’est-ce qui vous a semblé le plus difficile ?

Traduire le livre de Job. Il y a beaucoup de mots dont nous ne connaissons pas le sens et dont Luther disait qu’il avait couru terre et mer sans trouver de rabbin capable de le lui indiquer.

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Et quels motifs de satisfaction avez-vous eus une fois la Bible publiée ?

Nous avons reçu beaucoup de témoignages de la part de personnes qui nous disaient que leur lecture de la Bible a été renouvelée ou qu’elles ont enfin compris le sens de certains passages.

Qu’est-ce qui se passe quand l’équipe de traduction n’arrive pas à se mettre d’accord sur le sens d’une phrase ?

L’une des traductions possibles figure alors dans le texte, et les autres en note.

Quand le lecteur détecte une coquille – faute d’orthographe, de ponctuation, décalage entre le texte et les notes – acceptez-vous qu’il vous écrive ?

On peut écrire aux éditions Excelsis, qui me transmettront les remarques sur le fond.

Maintenant que le travail sur la Bible du Semeur d’étude est terminé, quels sont vos prochains projets ?

Ce travail n’est jamais terminé, j’y pense constamment ! Mais je ne suis plus à fond dans ce projet. Je viens de terminer un commentaire sur l’Apocalypse, dans le style de mon livre sur le Qohéleth. Le commentaire du texte s’accompagne de réflexions théologiques et d’actualisations pratiques. ■

Propos recueillis par Gordon Margery

Article paru dans :

avril 2020

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