PAR : Gordon Margery
Pasteur retraité, Église protestante baptiste de Faremoutiers

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On se souvient de cette phrase de Michel Rocard : « Nous ne pouvons pas héberger toute la misère du monde », souvent reprise sous la forme : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde. » Des années plus tard, il a rectifié le tir, en ajoutant : « ...mais elle doit savoir en prendre fidèlement sa part. » Ce qui reste pourtant, et durablement, c’est l’idée que la misère du monde ne nous concerne pas.

Au travers d’une association laïque, j’ai rencontré un chrétien iranien menacé dans son pays, débouté dans un premier temps de sa demande d’asile. Avec le soutien d’une avocate motivée et la présentation de documents qui appuyaient le sérieux de sa conversion, il a été reconnu en appel comme devant bénéficier de la protection de la France.

Ces derniers temps, j’ai découvert une réalité encore plus difficile à gérer.

Une dame africaine est venue à la permanence de notre collectif pour chercher de l’aide. Avec un enfant de bientôt trois ans sur les bras, elle risquait de se retrouver dans la rue – dans les deux sens du mot. En essayant d’y voir clair, j’ai découvert ainsi tout un réseau où des évangéliques, des catholiques et des laïcs se concertent pour libérer les femmes victimes de la traite des êtres humains, vendues parfois par leur propre famille, et subissant un rite de sorcellerie pour garantir leur soumission et leur silence. Marcel, Esther, gloire à Dieu pour votre engagement et pour vos victoires !

Quand la traite est prouvée, la protection subsidiaire de la Convention de Genève s’applique. Mais dans d’autres cas, comme celui que j’ai rencontré, il n’y a rien : pas d’asile, des aides quasi inexistantes, des associations impuissantes. En France, la perspective de la rue. Au pays, la perspective de la rue. La misère du monde est à notre porte !

Voilà pourquoi je suis scandalisé quand en France un ministre de l’Intérieur se targue d’être plus dur que l’extrême droite, quand une préfecture d’Île-de-France répond aux pressions venues d’en haut en expulsant quatre-cents jeunes étrangers. Ces temps-ci, un professeur qui accueillait l’un de ces jeunes chez lui a fait une grève de la faim de trois semaines pour essayer de fléchir une administration implacable. Quand ces jeunes sont mineurs, mes impôts pourvoient à leur sécurité, leur scolarité et leur formation. Ils suivent un apprentissage, ils ont des employeurs qui les apprécient. Mais lorsqu’ils arrivent à dix-huit ans, un calcul politicien ne laisse aucune place à l’humain, et contribue à aggraver la misère du monde.

Si un Samaritain peut venir au secours d’un Juif blessé et dépenser de l’argent pour lui, moi, Français, j’ai un devoir de compassion et d’action lorsque la misère du monde est à ma porte. Dans la compréhension courante des droits de l’homme, certains en ont manifestement plus que d’autres !

« Faites pour les autres ce que vous voudriez qu’ils fassent pour vous ! » (Lc 6.31).

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avril 2021

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