Noël en masque
Noël risque d’être masqué. Nos fêtes de Noël sous passe sanitaire. Et même nos soirées en famille sous surveillance. Las ! J’entends d’ici les propos révoltés des uns, à dire qu’ils « feront Noël » comme d’habitude. Des autres, qui ne viendront pas à la fête parce qu’ils n’ont pas le passe sanitaire. D’autres encore, qui seront très sensibles aux gestes barrières, et inquiets de voir l’assouplissement de notre discipline communautaire.
Tout ceci doit être mis en perspective. Il y a les terres de persécution dans lesquelles fêter Noël est une prise de risque d’un autre genre que celui de la pandémie (réel d’ailleurs) : il ne faut pas chanter de peur d’attirer l’attention – et là ce n’est pas juste le masque qui gêne. Il ne faut pas se regrouper le 24 décembre parce que la surveillance anti-chrétienne est accrue – et là ce n’est pas juste l’exigence du passe sanitaire. Il ne faut pas du tout parler de la naissance de Jésus, et de Jésus tout court – et là ce n’est pas juste le sujet du vaccin à aborder ou non… Enfin la liste est longue.
Et puis les acteurs de la lutte contre l’exclusion sociale le savent : la période de Noël est compliquée pour les personnes dans la précarité ou la solitude. Voir l’opulence proposée par les commerçants les renvoie à la petitesse de leurs moyens matériels. Voir les décorations de Noël dans les rues de nos villes les renvoie au dénuement de leur logement, quand elles en ont un. Voir les familles, les amis, parcourir les rues, chaudement habillés et devisant dans l’insouciance, les renvoie à leur situation de veuvage, d’exclusion, de divorce ou de solitude. Noël a quelque chose de clivant dans notre société.
Noël risque d’être masqué… face à ces personnes que je viens d’évoquer. Pour elles, c’est moi qui porterai un masque d’indifférence, voire de condescendance. Ou alors, on portera un masque de bons sentiments, que l’on affichera le temps que notre conscience s’apaise de ne rien avoir fait. Ces masques-là – je ne me prononce pas sur les vrais – retirons-les ! Acceptons, à visage découvert, d’être confrontés à des personnes différentes, cherchons à communiquer parce que nous les aimons, et pas seulement pour arborer devant elles ce que nous « faisons à Noël ».
Il y a là un vrai défi chrétien : trouver la voie d’une relation vraie avec les gens, entre l’expression de notre foi et l’accueil de l’autre, entre la joie d’être intégré dans notre milieu et la prise en compte des personnes qui lui sont extérieures.
Noël ? Bas les masques !