PAR : Nordine Salmi
Pasteur à la retraite, Église protestante baptiste de Thonon-les-Bains

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Nos repères
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La préparation au mariage : un parcours de santé… conjugale.

J’observe les mariés. Ils sont magnifiques ! Elle, dans une robe splendide d’un blanc éclatant. Sa coiffure est majestueuse, travaillée avec soin. Lui rayonne dans son costume trois pièces, beige clair. Sa cravate noire, rayée par de fines lignes de la couleur du costume, donne à sa tenue vestimentaire une petite touche « rebelle ». La cérémonie de mariage se déroule depuis quelques minutes. Le pasteur s’applique à expliquer ce qu’est le mariage, les difficultés que les époux vont rencontrer et la nécessité de tourner les regards vers leur Créateur. « Aimer, ce n’est pas se regarder l’un et l’autre, c’est regarder ensemble dans la même direction. » L’officiant met tous les effets de l’art oratoire dans cette citation. Mais les jeunes mariés ne l’écoutent plus. Ils sont ailleurs. Je compatis avec le collègue qui s’évertue à attirer l’attention de son auditoire. Trop tard ! Peine perdue ! Il est en décalage complet, tout comme le pupitre derrière lequel il se trouve, placé sur le côté pour offrir toute la place à ceux qui sont au centre de la cérémonie : les mariés.

échange d'alliances

La manière dont se déroule la cérémonie de mariage reflète bien souvent ce que l’on appelle la « préparation au mariage ». La centralité des mariés fait des nouveaux époux les « stars » du culte. Le décentrage de la chaire est le signe ô combien significatif de la « déportation » de la Parole de Dieu vers la marge. Et enfin, une prédication centrée sur l’exhortation aux mariés résonne comme une leçon donnée à la dernière minute avant le départ en direction du grand large.

La préparation au mariage est devenue au fil du temps, dans nos Églises, un passage obligé pour les futurs conjoints. Il n’en a pas toujours été ainsi. Ma génération, comme celles qui nous ont précédés n’en ont pas vraiment bénéficié, sinon de manière très succincte.

Nous entendons parfois un refrain entonné par nos aînés : « À notre époque, nous n’avions pas de préparation au mariage et nous nous sommes très bien débrouillés. La preuve, il n’y avait pas autant de divorces qu’aujourd’hui dans nos Églises. » Ce que ce refrain ne dit pas, c’est que bien des couples de cette même génération auraient aimé être accompagnés. Que de fois n’ai-je pas entendu : « J’aurais aimé le savoir avant. » Ce refrain oublie que le peu de divorces connus dans nos milieux par nos parents ou grands- parents ne reflète pas obligatoirement la qualité et la solidité des liens du mariage. Que de drames couverts par le voile de la honte. Un voile d’autant plus épais que tout cela se déroulait dans des familles chrétiennes. N’étaient-ce pas des divorces cachés ?

La préparation au mariage est devenue, dans nos milieux évangéliques, de plus en plus courante. Des associations comme « Famille je t’aime » ou « Vie et famille » font un travail formidable dans ce domaine. Des ouvrages chrétiens très utiles sur le sujet du mariage ont été produits et valent la peine d’être consultés.

Mais qu’est-ce que la « préparation au mariage » ? Classiquement, les fiancés sont invités par une personne ou un couple expérimenté à parcourir ensemble un certain nombre de thématiques sous l’angle biblique : l’institution du mariage, la place de Dieu et de la piété dans leur vie, la singularité du masculin et du féminin, la sexualité, la communication, la répartition des rôles, l’accueil d’un enfant, l’éducation etc. Il s’agit également de favoriser l’échange sans aucun tabou. Cette parole « libre » permet aux futurs mariés de se découvrir plus finement et de dialoguer.

Si cette démarche est très utile, si elle est pratiquée de manière sérieuse, elle a cependant des limites.

La première d’entre elles réside dans son aspect tardif. En effet, la préparation au mariage arrive alors que les dés sont jetés. Peu d’entre nous ont vu un couple faire marche arrière pendant la préparation au mariage. Et on les comprend. La machine est lancée. Difficile au terme de ce cheminement de leur demander solennellement s’ils sont toujours décidés à se marier et dans le cas contraire de les accompagner vers un abandon de leur projet. Il m’est arrivé une seule fois de conseiller à deux jeunes de renoncer. J’avais suffisamment d’éléments objectifs pour refuser d’aller plus loin. Ils étaient libres d’aller trouver un collègue, qui, peut-être, aurait un autre avis que le mien.

La deuxième lacune réside dans le fait qu’une préparation au mariage seule, ce qui est souvent le cas, sans un accompagnement « post- mariage » est insuffisante. Selon une étude, les divorces se préparent dès la première année de vie commune. L’accompagnement des jeunes couples est donc tout aussi important que « la préparation au mariage ». Cet accompagnement s’inscrit dans leur expérience du quotidien.

Bon nombre de nos Églises ont mis en place des réunions de couples. Ce sont des rencontres très utiles et souvent très appréciées. Mais il me semble qu’une suite à la préparation au mariage a une pertinence toute particulière. La phase de construction est la plus délicate. Les fondations sont encore fragiles. Là encore, bien des ouvrages et des séminaires existent sur le sujet. L’Église devrait réfléchir à la manière d’encourager et d’aider financièrement leurs jeunes couples à participer à ces séminaires.

Dans une société en manque de repères, notamment dans le domaine de la vie de couple et de famille, un accompagnement de nos jeunes vers le mariage est plus que jamais indispensable. L’enseignement biblique sur ce sujet devrait-être offert le plus tôt possible dans le parcours de la foi. Bien avant que le choix soit déjà orienté.

Alors que je vous parle, un éclair vient me sortir de ma réflexion. S’agit-il d’une illumination ? Déçu, je m’aperçois que des photographes sans vergogne mitraillent à tout va la cérémonie et n’hésitent pas à passer devant, derrière la chaire, ne se préoccupant même pas des paroles de mon malheureux collègue.

Je pense qu’il a vraiment besoin d’être accompagné… ne serait-ce que du regard.


Article paru dans :

décembre 2022

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Jean-Marc Bellefleur
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