PAR : Lydia Lehmann
Pasteure, Communauté chrétienne de Bruxelles Stockel

Article paru dans :
Rubrique :
Ma foi au jour le jour
Mots-clés :

À quand remonte votre dernière rencontre avec le silence ? Quelle a été la nature de ce silence ? Pesant, gênant, bienfaisant ? Combien de temps a-t-il duré ?

Déjà en 1935, l’écrivain et philosophe Paul Valéry écrivait : « Vous le savez, mais vous ne l’avez peut-être pas assez médité, à quel point l’ère moderne est parlante. Nos villes sont couvertes de gigantesques écritures. La nuit même est peuplée de mots de feu. Dès le matin, des feuilles imprimées innombrables sont aux mains des passants, des voyageurs dans les trains(1). » Quatre-vingt-dix ans après, sa parole se perd dans le torrent ininterrompu d’informations et dé(sin)formations qui inonde de plus en plus la berge de notre attention à Dieu et à nos prochains, en grignotant petit bout après petit bout.

prière

La place du silence dans nos vies

D’un côté, dans la société actuelle, le silence est donc mal aimé et malmené. De l’autre, il y a bel et bien des tendances à retrouver une vie plus lente, moins encombrée, plus simple. Et nous pouvons trouver des inspirations dans ces mouvements. Néanmoins, « la méditation chrétienne se distingue de ce qui nous est proposé dans notre société par rapport à la méditation et au silence par le fait que celui qui médite est avec Dieu et non pas “seul avec lui-même” », comme l’exprime Claude Vilain dans son enseignement « Apprivoiser le silence(2) ». Avant de poursuivre : « La méditation chrétienne […] est recherche d’une Présence, d’une Parole. Elle se fixe un objectif concret, rencontrer Dieu à l’écoute de tout ce qu’il désire nous donner. Le but ultime de la démarche méditative n’est donc pas le silence en lui-même, ni même d’acquérir une forme d’apaisement, même si cet apaisement peut nous être accordé, mais de nous rendre disponibles pour qu’une parole puisse toucher notre intelligence et notre cœur, et à terme, transformer nos vies. »

Un silence pour…

Dans la Bible, il nous est dès lors proposé une écoute, un silence pour… et ceci notamment dans le livre d’Ésaïe : « Chaque matin, il éveille mon oreille, il me réapprend à écouter, comme doivent écouter les disciples. » (Es 50.4b). Dans le contexte de ce passage, le but de l’écoute née du silence est clairement indiqué : encourager d’autres, savoir avec quels mots soutenir celui qui est abattu.

Ainsi s’agit-il de faire silence pour écouter les murmures de Dieu. « Il faut reprendre le chemin du silence, et c’est en cessant de faire du bruit avec nous-mêmes que nous entendons la musique éternelle(3). » Quand j’ai lu cette citation du théologien Maurice Zundel pour la première fois, elle a touché mon cœur profondément. Il m’arrive si souvent de faire du bruit avec moi-même. Non pas que je serais quelqu’un de particulièrement bavarde, mais parce que ma vie intérieure est dense, faite bien souvent de ruminations, d’angoisse, de réflexions et questionnements en tous sens. Faire silence m’aide alors à me décoller de moi-même et à faire place à l’autre, comme au Tout-Autre, au Tout-Proche qui a fait sa demeure en nous. Faire silence est aussi un très bel outil pour nous rendre compte que notre vie n’est pas faite uniquement d’action, du « faire » – qui n’est qu’une prolongation de l’être – qu’il y a d’autres dimensions à cultiver, telles des roses dans notre jardin intérieur.

Comment faire silence dans la prière ?

Mais comment oser le silence surtout quand on n’en a pas l’habitude ?

J’aime la joie des petits pas. Un premier conseil : ne pas avoir le téléphone portable à portée de main et de vue ! Ensuite, pourquoi pas commencer notre temps de prière par deux à trois minutes de silence ? Un autre de ces petits pas pourrait consister à prier la prière de Jésus ou prière du cœur qui m’est devenue précieuse. Elle m’aide à me recentrer sur Christ, sur l’essentiel. Il s’agit de cette prière très courte : « Seigneur Jésus, aie pitié de moi(4) ! » On peut prier la première partie de la prière en inspirant lentement et la deuxième en expirant(5). Au début d’un moment de silence, il est possible que notre tumulte intérieur remonte. Dans ce cas, cette prière nous permet d’accueillir ce tumulte sans pourtant nous y accrocher pour le décortiquer.

Au cours de la journée, la prière du cœur peut évidemment être adaptée et changée en « Seigneur Jésus, merci pour ton amour ». « Seigneur Jésus, prends soin de cette personne qui traverse des moments difficiles. » « Seigneur Jésus, j’ai besoin de ta paix. » « Seigneur Jésus, merci pour ce sourire d’enfant(6). » Cette démarche nous invite à nous arrêter quelques instants entre nos diverses activités pour orienter à nouveau nos regards sur Christ et nous rendre présents à sa présence.

Mon Dieu, je veux apprendre à me poser en ta présence. Élargis l’espace de mon cœur, pour que je puisse entendre ta musique éternelle.


(1) Paul Valéry, Le bilan de l’intelligence (Paris, Gallimard, 1936, Allia, 2001), p. 56, cité par Jean-Pierre Lebrun et Nicole Malinconi, L’altérité est dans la langue, Psychanalyse et écriture (Éditions Érès, Toulouse, 2017, 1ère édition 2015), p. 77.

(2) Claude Vilain, « Apprivoiser le silence », Séminaire donné aux Myosotis (Assesse, 21/01/2023), enseignement généreusement mis à ma disposition pour l’animation de l’atelier donné à la Pastorale.

(3) Maurice Zundel, Le problème que nous sommes, p. 368.

(4) Il y a aussi la version longue : « Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi pécheur. »

(5) Il est ainsi possible de lier prière du cœur et cohérence cardiaque.

(6) Merci à Thierry Huser pour cette suggestion apporter lors de l’atelier donné à la Pastorale.


A méditer

Le matin
Un temps de douceur avec toi respirer comme une prière
Jésus, Fils de Dieu ancre dans ma noyade
M’étirer à la lueur de ma bougie mon regard posé sur ta croix
M’abandonner à tes soins aie pitié de moi, pécheur
Guéris-moi par le silence par tes mots murmurés Il me reste la pauvreté de mon cœur à offrir
À toi, au prochain dans un élan de vie

Article paru dans :

juin 2025

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Ma foi au jour le jour
Mots-clés :
À Bible ouverte

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