PAR : Françoise Pillon
Membre du comité de rédaction, Église baptiste de Paris-Centre

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Nous continuons notre présentation de livres dont les auteurs sont membres de notre Association baptiste. Aujourd’hui, l’honneur (bien mérité) revient à Lydia Lehmann, pasteure dans l’Église de Bruxelles-Stockel en Belgique, avec un bel ouvrage intitulé Côte à côte et sous-titré Quand femmes et hommes avancent ensemble. Rassurez-vous, il ne s’agit pas d’un nouveau plaidoyer en faveur du ministère féminin, ce qui est d’emblée précisé dans l’introduction. Il y a bien assez de ressources par ailleurs pour se faire une idée de la question et selon l’autrice, le dossier biblique est solide. Lydia Lehmann fait un constat : elle est pasteure. À partir de son expérience, elle développe toute une réflexion sur la manière d’exercer le ministère pastoral et de travailler ensemble, femme et homme, homme et homme, femme et femme.

couverture du livre

L’ouvrage est original et très personnel. Chaque chapitre des deux premières parties, « Des graines et de la plante » et « Paroles aux femmes, paroles de femmes », se termine par une rubrique « Et moi aujourd’hui ? » qui invite le lecteur à poursuivre la réflexion au moyen d’une série de questions. Cela rend le propos très concret. Par ailleurs, plusieurs poèmes très évocateurs, de la plume de Lydia Lehmann, et en rapport avec ce qui précède, parsèment le livre. Enfin, celui-ci est, comme la couverture, illustré d’élégantes œuvres originales de Helga Katharine Kahl, ce qui fait du tout un bel objet qu’on a un plaisir esthétique à lire, étudier et consulter.

Dans une première partie, l’autrice fait un retour sur elle-même et se raconte. Ce faisant, elle prend le risque de s’exposer, ce qui est audacieux et courageux. Son milieu ne l’avait pas du tout préparée à un ministère pastoral et c’est petit à petit qu’elle a répondu à l’appel de Dieu avec ses craintes, ses doutes et ses joies. Une fois en poste, il lui a fallu lutter contre les préjugés, la réprobation parfois. Il lui a fallu apprendre à se connaître, à découvrir ses forces et ses vulnérabilités. Il lui a fallu faire ses preuves, plus que si elle avait été un homme. Notons d’ailleurs qu’il en va de même dans « le monde » où les attentes envers les femmes sont bien plus exigeantes. De plus, pendant quelques années, son mari et elle ont été co-pasteurs. Là, il y a eu des défis à relever, la réaction naturelle de certains des paroissiens étant de considérer son époux comme le seul pasteur ou comme « plus pasteur qu’elle ». Ils ont appris à se faire confiance, à cheminer ensemble, à tenir compte de la personnalité du conjoint, à ne pas se comparer ou s’imiter mutuellement, toutes démarches qui peuvent aussi être suivies dans n’importe quel travail d’équipe.

Dans une deuxième partie, l’autrice se penche sur le texte biblique pour examiner des situations dans lesquelles des femmes sont protagonistes. Citons-en quelques-unes : Agar, la matriarche, (Gn 16) qui reçoit la même promesse qu’Abram ; la femme de Manoa (anonyme, comme beaucoup de femmes dans le récit biblique) que l’ange visite (Jg 13) à deux reprises (même quand Manoa demande confirmation, c’est à elle que l’ange s’adresse à nouveau !) ; la fille de Jephté qui accepte d’accomplir le vœu de son père que manifestement le narrateur désapprouve (Jg 11) ; la femme cananéenne, l’étrangère, qui remporte une joute théologique contre Jésus et le fait changer d’avis (Mt 15) ; la femme victime d’hémorragies (Lc 8) que Jésus appelle « ma fille » (seul endroit où cela apparaît ; jamais Jésus ne dit à un homme « mon fils »). L’examen de ces textes est profond et original et nous montre combien le regard de Dieu et de Jésus sur les femmes est différent de celui des hommes de l’époque (et d’aujourd’hui ? Question de culture seulement ?). Cette section est passionnante et l’exégèse vraiment fouillée.

La dernière partie est intitulée : « Moi féministe ? » À cette question, on peut répondre par l’affirmative. Toutefois, ici, il n’est pas question du féminisme que nous voyons à longueur de plateaux. Lydia Lehmann ne l’envisage pas comme une opposition au genre masculin. Certes, elle montre qu’il y a encore du chemin à parcourir pour qu’hommes et femmes soient considérés à leur juste valeur, sans préjugé ni parti prix, selon le plan de restauration de Dieu. Elle ne nie pas les différences mais les nuance et les voit comme un atout. Elle milite surtout pour qu’hommes et femmes puissent travailler ensemble, sans compétition, avec respect et estime réciproques en mettant en valeur les qualités et les dons de l’autre.

L’autrice termine en examinant un dernier texte, l’histoire de Mala, Noa, Hogla, Helka et Tirsa (Dt 27), ces cinq sœurs qui osent demander à Moïse une part de l’héritage de leur père alors que la loi ne le prévoit pas. Elles sont pleines d’audace tout en respectant la procédure. La décision prise en leur faveur fera jurisprudence.

Alors ensemble, avançons !


Côte à côte, quand femmes et hommes avancent ensemble (Lydia Lehmann, Biblio, 302 p. 17 €)

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avril 2024

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